ABC Compétences

1 novembre 2012

Les statistiques au secours de la gestion des talents

CC - Digital Shotgun
Pendant plusieurs décennies, les critères de recrutement ont été essentiellement empiriques : expérience du candidat, qualité de son contact avec le recruteur, apparence physique (ce dernier critère étant largement inconscient de la part des recruteurs). Certains d'entre eux complétent les entretiens d'embauche par des tests à la validité scientifique variable : des inventaires de personnalité à la graphologie, en passant par la morphopsychologie ou même l'astrologie.
Avec le développement des logiciels de gestion des talents (SIRH) et leurs bases de données comportant des milliers, voire des dizaines ou des centaines de milliers d'individus, il devient possible d'établir des statistiques précises sur la corrélation entre la performance au travail, l'absentéisme, ou le taux d'attrition, et la personnalité des salariés. Les résultats sont parfois contraires à l'intuition, et bouleversent les méthodes de recrutement et de gestion des talents. Pour le meilleur, mais aussi pour le pire.

A la recherche de l'employé idéal 

Ainsi, aux Etats-Unis, Xerox s'est aperçu que l'expérience avait peu d'importance pour la performance des employés travaillant dans les centres d'appels, mais que certains aspects de la personnalité étaient primordiaux. Par exemple, les employés dotés d'une grande curiosité ont tendance à changer plus souvent d'entreprise, empêchant leurs employeurs d'amortir le coût de leur formation. Au contraire, la créativité semble être un facteur de succès. Depuis que Xerox utilise les résultats de tests de personnalité pour piloter ses décisions d'embauche, l'attrition (nombre de salariés qui démissionnent chaque année) a baissé de 20%.

CC - Slop Jop
Les traits de personnalité ne sont pas les seuls critères qui définissent l'employé "idéal" d'un centre d'appel. Il doit aussi habiter à proximité de son lieu de travail, et utiliser régulièrement entre 1 et 4 réseaux sociaux. Il doit être créatif, mais pas trop curieux ou trop empathique. Tous ces aspects peuvent être quantifiés par un questionnaire en ligne, à l'aide de questions judicieusement formulées. Le logiciel peut ainsi attribuer à chaque candidat un score, représenté par une couleur : les "rouges" sont à écarter, les "verts" à embaucher, et les "jaunes" à considérer, mais seulement en cas de pénurie de "verts"... Cette approche fait dire à certains que le responsable du recrutement est un algorithme.

Pour le meilleur... et pour le pire

On peut certes se réjouir de ce que les critères de recrutement deviennent objectifs : en théorie, exeunt la couleur de peau et la consonnance du patronyme. Mais il existe un risque réel de discrimination involontaire, par exemple sur le code postal. Il existe également un risque d'uniformisation, en raison du triage automatique et systématique des personnes embauchées pour tel ou tel type de poste. Aux Etats-Unis, certaines sociétés s'inquiètent d'ailleurs des risques juridiques encourus en raison de ces mécanismes de discrimination automatisée.

CC - Images of Money
L'apport des statistiques ne se limite pas à la gestion des recrutements. L'exploitation des bases de données de salariés permet aussi aux entreprises de gérer au plus serré les grilles de salaires, en ajustant les rémunérations de manière juste suffisante pour motiver leurs salariés à rester, sans pour autant les augmenter plus qu'il ne serait nécessaire pour cela... L'intérêt de ces différents algorithmes n'a pas échappé aux géants du logiciel de gestion d'entreprise. C'est ainsi qu'Oracle et SAP ont racheté des sociétés spécialisées dans la conception de ce type de programme. Il faut dire que le marché mondial des systèmes de gestion des talents représentait 3,8 milliards de dollars US en 2011, une hausse de 15% par rapport à 2010.

Auteur : Lionel Ancelet - Accompagnement et Formation

Le contenu de cet article est basé sur deux enquêtes du Wall Street Journal, relatives au recrutement et aux rémunérations.

Crédit photo : flickr.com (licence Creative Common)


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