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10 mars 2012

Préférences du MBTI ou traits de personnalité : une différence fondamentale

Carl Gustav Jung
Le MBTI (Myers-Briggs Type Indicator) est un inventaire de personnalité très largement utilisé depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays du monde. Il est basé sur le modèle des types psychologiques conçu par Carl Gustav Jung, et a été créé par Isabel Briggs Meyers et sa mère Katharine Cook Briggs. D'autres inventaires ont depuis été développés à partir des mêmes bases, comme le CCTI (Cailloux-Cauvin Type Indicator). Contrairement à un grand nombre de tests psychologiques qui cherchent à situer un individu sur un continuum par rapport à une population de référence selon plusieurs traits de personnalité, le MBTI (tout comme ses frères) vise à identifier les préférences des individus selon 4 axes comportant chacun 2 pôles. Quelle est la signification de cette différence, et quels en sont les impacts ?



Modèles basés sur des traits de personnalité

Un trait de personnalité est en général exprimé par un adjectif qui décrit un comportement ou une émotion. Par exemple, dans le modèle dit des Big Five, parfois appelé modèle OCEAN en raison des initiales des 5 dimensions, on trouve les traits suivants :
  • O pour ouverture à l'expérience
  • C pour caractère consciencieux
  • E pour extraversion
  • A pour agréabilité
  • N pour neuroticisme
Chacun de ces traits est identifié par un adjectif ou descripteur ("extraversion", "ouverture à l'expérience", etc), et le test vise à mesurer à quel degré un individu présente ces différents traits.

Un test psychologique basé sur de tels traits fonctionne en deux étapes : (1) à partir d'un questionnaire, le score "brut" d'un individu sur chacune des dimensions est mesuré ; (2) ce score brut est comparé à l'ensemble des autres scores de la population de référence, et le résultat affiché n'est autre que le centile dans lequel se situe l'individu dont on cherche à cerner la personnalité. Ce résultat indique dans quelle mesure l'individu concerné présente ce trait de personnalité, par rapport à la population de référence.

Distribution Gaussienne
Par exemple, supposons que les 5 traits ci-dessus soit mesurés par un questionnaire comportant 100 items, chaque trait correspondant à 20 items (questions, ou choix entre 2 affirmations). Pour chaque trait, le score brut d'un individu ira donc de 0 à 20. Si un individu obtient un score de 13 pour un trait donné, et que 64% de la population de référence a obtenu un score inférieur ou égal à 13, il obtiendra donc un résultat de 64 sur cette échelle. S'il obtient le même score de 13 pour un autre trait, mais que 59% de la population de référence a obtenu un score inférieur ou égal à 13, il obtiendra cette fois-ci, pour ce même score, un résultat de 59. De ce fait, le résultat communiqué à la personne qui passe le test ne correspond pas à son score brut individuel, mais à sa situation par rapport à la population de référence, qui peut être l'ensemble de l'échantillon de personnes ayant passé le test, ou bien un sous-ensemble : uniquement les hommes ou les femmes, ou uniquement les personnes d'une certaine tranche d'âge ou d'un certain niveau d'études, etc. On s'attend à ce que les scores obtenus par un grand nombre d'individus soient distribués selon la loi normale, c'est-à-dire une distribution gaussienne ou "courbe en cloche". Ce qui signifie que la majorité des individus seront situés à proximité de la médiane, donc dans une large plage autour de 50% (typiquement, entre 25% et 75%). Les cas extrêmes (c'est-à-dire proches des centiles 0 ou 100), qui s'écartent beaucoup de la norme, sur plusieurs échelles, seront parfois considérés comme relevant d'un trouble de la personnalité

Un autre aspect de ces modèles est que les traits qui les constituent sont choisis de manière à être indépendants les uns des autres, même si l'on constate parfois une corrélation positive ou négative entre certains d'entre eux, par exemple entre les résultats obtenus sur les échelles d'extraversion et de neuroticisme dans le cas du modèle OCEAN. 


Modèles basés sur les types psychologiques

Droitier ou gaucher ?
Le MBTI, et d'autres outils équivalents basés sur les types psychologiques de Jung, ne s'appuient pas sur la notion de traits de personnalité, mais sur la notion de préférences. Il ne s'agit donc aucunement de mesurer à quel degré un individu présente un trait de personnalité, mais d'identifier ses préférences pour l'un ou l'autre des 2 pôles de quatres paires, ou dichotomies. Ces 4 dichotomies sont :
  • Extraversion (E) ou Introversion (I) : attitude ou orientation de l'énergie
  • Sensation (S) ou Intuition (N) : fonction de perception ou de recueil de l'information
  • Pensée (T, pour Thinking) ou Sentiment (F, pour Feeling) : fonction de jugement ou de prise de décision
  • Jugement (J) ou Perception (P) : mode de relation au monde extérieur
Tout comme la distinction droitier / gaucher, chaque dichotomie est donc identifiée par une paire de mots, et non par un seul.

Le questionnaire consiste en une série de choix à effectuer, entre des affirmations ou des adjectifs, chacune des 4 dichotomies correspondant à un sous-ensemble des items du questionnaire. Les scores obtenus correspondent directement aux choix effectués en faveur de tel ou tel pôle, et ne sont donc pas normalisés (situés dans un centile par rapport à une population de référence). Ils ne mesurent pas l'intensité de la préférence d'un individu pour tel ou tel pôle, mais la clarté de cette préférence pour lui. Et, contrairement aux tests basés sur des traits de personnalité, pour lequel les résultats sont plus fréquemment situés prés du milieu des échelles, en raison de leur distribution normale (au sens statistique du terme), les résultats des tests basés sur les types psychologiques sont plus fréquemment situés près des pôles que du centre, puisque les préférences des individus sont généralement plus ou moins claires, et que même en cas d'égalité parfaite entre deux pôles, le modèle prévoit une règle pour les départager.

Chacun son chemin...
Nous avons vu que dans le modèle OCEAN les 5 dimensions ont été choisies pour être indépendantes les unes des autres. Dans le modèle des types psychologiques sous-jacent au MBTI, les 4 préférences interagissent entre elles pour constituer un modèle dynamique de la personnalité. Par exemple, selon qu'un individu exprime une préférence pour une attitude d'extraversion ou d'introversion (E ou I), et une préférence pour l'utilisation de ses fonctions de jugement ou de perception (J ou P) dans sa relation au monde extérieur, la hiérachie des fonctions et leur expression seront différentes. Par exemple, un individu identifié comme INFP présentera respectivement le sentiment introverti (Fi) comme fonction dominante, l'intuition extravertie (Ne) comme fonction auxiliaire, la sensation introvertie (Si) comme fonction tertiaire*, et la pensée extravertie comme fonction inférieure, alors que pour le type INFJ la hiérarchie des fonctions sera Ni, Fe, Ti, Se. Une seule lettre de différence, et c'est tout le rapport au monde qui en est modifié, par exemple dans les modes de réaction au stress (basculement possible de Fi vers Te pour l'INFP, et de Ni vers Se pour l'INFJ). C'est aussi le chemin de développement de l'individu qui en est changé, puisque ni les points de départ et d'arrivée, ni les points intermédiaires, ne sont les mêmes !

Une autre différence de taille est l'absence de type "pathologique" dans le modèle MBTI. Alors qu'un individu présentant, selon le modèle OCEAN, une extraversion proche de zéro et un neuroticisme proche de 100 pourrait être considéré comme potentiellement sujet à un trouble de la personnalité, aucun score sur les 4 dichotomies du MBTI, qu'il soit faible ou élevé, ne sera jamais considéré comme "anormal".

Pour éviter la confusion

Il ne s'agit pas de prétendre qu'un modèle est supérieur à l'autre, mais d'attirer l'attention sur le fait que ce sont pas simplement des échelles différentes qui caractérisent les deux types de modèles. Ils reposent sur des paradigmes différents, et ne doivent donc pas être interprétés de la même façon. Confondre les préférences du MBTI avec des traits de personnalité aurait plusieurs conséquences :
  • Croire qu'il est préférable d'avoir des préférences très claires, ou au contraire peu marquées.
  • Croire que les individus ayant des préférences très claires manifestent davantage les comportements correspondants.
  • Croire qu'une préférence très claire implique une compétence plus marquée dans son utilisation.
  • Croire qu'un des 2 pôles d'une dichotomie est meilleur que l'autre.
  • Comparer les individus à une "norme" psychologique plutôt que de s'intéresser aux comportements habituels pour les personnes de leur type.
Aborder le MBTI comme un modèle basé sur des traits de personnalité fausserait donc sa compréhension, son interprétation, et limiterait sévèrement sa richesse.

Auteur : Lionel Ancelet

* Note : les concepteurs de modèles basés sur les types psychologiques de Jung ne sont pas tous d'accord entre eux sur l'attitude (extravertie ou introvertie) de la fonction tertiaire, aussi avons-nous ici suivi la convention qui lui donne la même attitude que la fonction dominante, opposée à celle de la fonction auxiliaire.

Source principale : Essentials of Myers-Briggs Type Indicator Assessment, par Naomi L. Quenk

Un bon site de vulgarisation pour aborder le MBTI : 16 types (www.16-types.fr)
Pour aller plus loin : Les types de personnalité (MBTI et CCTI) par Pierre Cauvin et Geneviève Cailloux
Une liste de sites consacrés aux tempéraments et aux types de personnalité : www.ancelet.fr/temperaments
En France, le MBTI est distribué par la société OPP. Le CCTI a été développé par Osiris Conseil.
On trouve des tests basés sur les Big Five chez des éditeurs comme ECPACentral Test et Hogrefe.

3 commentaires:

  1. le MBTI et les tests basés sur les types de Jung sont extrêmement intéressants tant pour se comprendre soi-même que pour comprendre les autres et mieux communiquer avec eux.
    Je pratique le MBTI depuis plus de 10 ans, il apporte toujours un éclairage utile à toutes sortes de situations et questionnements.
    Isabelle Hawkins

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    1. Bonjour Isabelle, j'ai passe le MBTi il y a qques annees et j'etais seduite par sa pertinence; j'aimerai retrouver le questionnaire, saurais-tu ou je puis le trouver ?
      merci d'avance pour ta reponse,
      Elodie

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    2. je voulais vous informer sur la parution aux Editions du Panthéon de l'essai écrit par Patrick Vareille : Arnaques & Impostures, MBTI, Golden, Etc.
      http://www.editions-pantheon.fr/patrick-vareille/essais/arnaques-impostures.html
      Cordialement,
      Patrick Vareille

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