ABC Compétences

29 juin 2011

Perte d'emploi : un travail de deuil est souvent nécessaire.

Toute perte, de la plus grave à la plus anodine, s'accompagne d'un processus émotionnel au cours duquel nous traversons différentes émotions, telles que la peur ou la colère. Comprendre quelles sont ces émotions, et comment nous passons de l'une à l'autre, peut nous aider à vivre ce processus de deuil et le traverser avec succès.



Les étapes du deuil, par
Evelyne Bissonne Jeufroy
(d'après Elisabeth
Kübler-Ross)  
Tout d'abord, le terme de "deuil" n'est pas à prendre au pied de la lettre, car il ne signifie pas nécessairement qu'il y a eu "mort". Faire le deuil d'une perte, c'est tout simplement l'accepter et continuer à vivre. Bien sûr, certaines pertes sont lourdes à porter, comme le décès d'un être cher, ou l'annonce d'une maladie grave, qui signifie la perte d'une santé sans histoire. C'est d'ailleurs dans ce type de contexte que la psychologue Elisabeth Kübler-Ross a créé un modèle du processus de deuil qui a été repris, et parfois enrichi, par d'autres. Mais un travail de deuil peut être nécessaire (et s'effectuera de toute façon plus ou moins consciemment) même dans le cas de pertes "légères".

Imaginez que votre conjoint vous ait offert un stylo auquel vous tenez, non pas en raison de sa valeur vénale, mais de sa valeur sentimentale. Si vous vous apercevez un jour que vous l'avez perdu, vous allez passer par différentes émotions. L'incrédulité : ce n'est pas possible, j'ai dû l'oublier au bureau ou dans la voiture. La colère (ou la culpabilité) : quel idiot je suis, j'aurais dû le laisser à la maison. La peur : mais que va-t-elle penser en l'apprenant ? La tristesse : quel dommage, jamais je ne retrouverai un stylo comme celui-là, et même si je retrouve le même ce ne sera pas pareil. Et ainsi de suite...

Ce sont précisément les phases qui ont été identifiées par Elisabeth Kübler-Ross et ses consoeurs. Ces phases portent les noms suivants :

  • Le déni (refus d'admettre la réalité de la perte)
  • La colère (ou culpabilité, quand la colère se retourne contre soi-même)
  • La peur (qui s'accompagne parfois d'un marchandage, c'est-à-dire d'une tentative de négociation avec la réalité)
  • La tristesse (sentiment d'impasse, de blocage)
  • L'acceptation (la perte est acceptée, mais devient moins prégnante)
  • Le pardon (au responsable de la perte, ou à soi-même)
  • La quête du sens (en identifiant le cadeau caché apporté par la perte)
  • La paix retrouvée (on recommence à faire des projets)
Les étapes du deuil
(schéma de Lionel Ancelet)
Nous avons vu des exemples des pensées qui nous habitent dans la première partie du processus. Voyons à présent celles qui correspondent à la seconde partie. L'acceptation : c'est difficile, mais je vais y arriver. Le pardon : de toute façon, ça peut arriver, personne n'est parfait. La quête du sens : au fond, il n'écrivait pas si bien que ça, ce stylo, et je vais pouvoir en choisir un autre plus adapté à mon écriture. La paix retrouvée : bon, je vais aller faire les magasins et choisir le stylo que je veux pour mon anniversaire.

Il ne s'agit là que d'un modèle : à ce titre, il simplifie la réalité, car la carte n'est pas le territoire. Il est fort possible pour un individu de ne pas traverser toutes ces phases, ou de les traverser dans un ordre différent avec, pourquoi pas, des retours en arrière. De même, ce modèle est applicable dans ce que l'on peut appeler "la culture occidentale", mais d'autres cultures vivent la perte et le deuil différemment, et ne se reconnaissent pas nécessairement dans ce modèle.

Dans le cas d'une perte d'emploi, de quoi fait on le deuil ? D'un emploi spécifique, avec des tâches et des missions précises. D'un lieu de travail, d'horaires. De collègues, peut-être de clients ou de fournisseurs. D'outils et d'équipements utilisées jour après jour. D'habitudes : le café à 10 heures avec les collègues. D'un trajet effectué jour après jour. Mais aussi, d'une certaine structuration du temps : des horaires à respecter, des rythmes imposés. Des rites récurrents : le discours du PDG tous les ans avant Noël. D'une manière de s'habiller (costume, tailleur, uniforme...) Egalement, d'un sentiment de continuité, voire de progression : un itinéraire tout tracé, de promotion en promotion, peut-être jusqu'à la retraite. D'une belle trajectoire linéaire, sans surprise, sans accident. Enfin, d'un certain statut social, d'une réponse facile et presque automatique à la question : "Et toi, qu'est-ce que tu fais dans la vie ?" Etre défini par son travail, et tout ce qui va avec : c'est tout cela dont on doit faire le deuil 

Certaines phases sont plus faciles à traverser. Pour d'autres, en revanche, il arrive que "ça coince". Par exemple, il n'est pas rare de tourner en boucle dans la colère : il était tellement bien, ce job ! Non, vraiment, il était idéal, et jamais je n'en retrouverai un aussi bien. Si ces idiots n'avaient pas décidé de réorganiser la société, je serais toujours dans l'organigramme, avec ma belle Audi de fonction...  Avec ce type de pensées récurrentes, et à en vouloir au monde entier, des actionnaires au gouvernement en passant par le big boss, la recherche d'un nouvel emploi en pâtit : on cherche sans y croire, sans avoir envie. Bref, sans motivation. Il arrive aussi que l'on soit tétanisé par la peur (la peur du déclassement, celle qui fait que l'on se voit déjà faire la manche dans le métro et coucher dans la rue), et que l'on accepte n'importe quel job, à n'importe quel salaire. Plus difficile encore, être empêtré dans la tristesse : c'est foutu, je resterai toute ma vie au chômage.

Un des moyens de sortir de la colère, c'est d'exprimer l'ambivalence que l'on ressentait nécessairement envers le job que l'on a perdu : quels en étaient les mauvais côtés, les aspects frustrants, les collègues antipathiques, les clients pénibles, les règles absurdes, les habitudes un peu ridicules. De la sorte, on évitera d'en idéaliser le souvenir. Pour faire taire la peur, il est indispensable de nourrir son estime de soi en devenant conscient de sa valeur personnelle et professionnelle (pour cela, un bilan de compétences est un bon outil).

Ainsi libéré du passé, et armé pour affronter l'avenir, la tristesse, pour légitime qu'elle soit, ne sera que passagère, et la recherche d'un nouveau job deviendra un projet motivant et au bout du compte couronné de succès.



Auteur : Lionel Ancelet

2 commentaires:

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  2. Dans mon cas, je l'ai vécu comme une peine d'amour. Mais un peu comme si j'avais vécu une relation passionnée mais dysfonctionnelle et malsaine... Tu as malgré tout envie d'y retourner même si tu sais que ça t'as détruit. Tu te dis que ce sera pas pareil, que tu vas agir différemment, qu'en changeant d'employeur, ça va bien aller. Ma perte d'emploi m'a fait mieux comprendre les gens qui hésitent à quitter une relation toxique...

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